Une filière durable
Un foncier à préserver
Préserver le foncier cannier, un enjeu de taille pour maintenir les équilibres du territoire
Le foncier constitue le socle de l’agriculture : la préservation des terres agricoles réunionnaises, soumises à de multiples contraintes, est donc un enjeu majeur pour garantir l’équilibre du modèle agricole de l’île, qui s’appuie sur une sole cannière occupant environ 55% de la surface agricole utile (SAU) totale.
Les terres cultivables
Une ressource limitée et contrainte à
La Réunion
L’île de La Réunion est la région française qui dispose de la plus petite SAU rapportée au nombre d’habitants avec moins de 450 m² par habitant, soit 10 fois moins de surface que dans l’hexagone.
Cette situation résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs impactant le territoire réunionnais :
• Véritable hotspot de biodiversité, l’île bénéficie de nombreux espaces protégés, avec notamment 42 % du territoire situé en cœur de parc national,
• Le relief escarpé et très découpé du territoire : seulement 21 % des terres présentent une pente inférieure à 10% ce qui induit une forte concurrence pour leur usage,
• La croissance démographique qui s’accompagne de nouveaux besoins en logements et équipements, contribuant à l’étalement urbain sur un territoire insulaire limité et donc à la consommation de terres agricoles : La Réunion présente un taux d’artificialisation des sols de 13,9% contre 9% en hexagone (INSEE, 2021).
Le foncier agricole de l’île se situe ainsi au carrefour des contraintes physiques du territoire et de ses grands enjeux de préservation de la biodiversité et de développement.
Une érosion
de la sole cannière qu’il faut combattre
La SAU réunionnaise tend à diminuer au cours du temps : de 50 000 ha en 1989, l’île ne présente plus aujourd’hui qu’une SAU d’environ 37 500 ha.
Toutes les filières sont impactées, dont la filière canne-sucre. Néanmoins, malgré cette diminution des surfaces cultivées, les grands équilibres agricoles se sont maintenus puisque la sole cannière représente toujours aujourd’hui, plus de la moitié des surfaces de production.
La plus grande vigilance est toutefois de mise pour veiller au maintien du modèle agricole réunionnais. En effet, depuis 2019, La Réunion fait face à une accélération de la diminution de SAU et notamment à une érosion importante de sa sole cannière productive.
Ces cinq dernières années, le foncier cannier productif est ainsi passé de 22 700 ha en 2019 à 19 200 hectares en 2024, soit une baisse de 3 500 ha. Ce recul de la sole cannière représente, à lui seul, une perte de capacité de production d’environ 250 000 tonnes de cannes sur la période indiquée.
Ces terres qui ne sont plus cultivées pour la canne à sucre ne bénéficient pourtant que minoritairement à la diversification de l’agriculture : plus de la moitié de ces surfaces sont concernées par la déprise agricole (terrains sous-exploités, non exploités temporairement, voire abandonnés), seuls 30 % restent valorisés pour d’autres usages agricoles.
Cette importante déprise constitue un risque pour l’avenir des filières et l’atteinte des objectifs stratégiques de développement agricole de l’île à l’horizon 2030, notamment une sole cannière productive de 22 000 ha (plan AGRIPéi 2030 porté par le Département en 2019, repris par le comité de transformation de l’agriculture réunionnaise en 2021; Plan Régional de Souveraineté Alimentaire signé en 2023).
Un enjeu majeur
La reconquête des friches
Un modèle basé sur les complémentarités des filières agricoles, qui se projette à horizon 2030
En 2019, à la demande du Président de la République, toutes les filières de production réunionnaises ont étudié tous les scénarii possibles pour accroitre la couverture des besoins alimentaires de La Réunion.
Ces travaux ont abouti en 2021 à l’évaluation des besoins de chacune des filières locales pour accroitre au maximum leur production et répondre davantage aux besoins de la population réunionnaise, en tenant compte des contraintes du territoire.
Les besoins fonciers à horizon 2030
identifiés par les filières :
A horizon 2030, le taux de couverture des besoins alimentaires (frais, transformé, congelé) par les filières locales pourrait atteindre :
Ces taux d’atteinte sont une réussite dans la mesure où La Réunion ne peut pas tout produire (ex : pommes, poires…)
Ainsi la SAU augmenterait pour le développement des filières d’élevage et fruits et légumes de 5 000 ha à horizon 20301 et de 3000 ha pour la canne à sucre.
Or, un potentiel de près de 12 200 ha2 de terres en friches ou temporairement non exploitées, potentiellement valorisable pour l’agriculture, a été identifié :
• 7 500 ha se situent dans les terroirs favorables à la production de canne à sucre,
• 4 700 ha se situent dans les terroirs favorables à l’élevage et aux autres productions végétales.
Ainsi, aujourd’hui les friches agricoles seraient suffisantes pour couvrir les besoins de développement des filières d’élevage, fruits et légumes et de la canne à sucre à horizon 2030.
¹ Comité de transformation de l’agriculture réunionnaise 2021
² Sources : SAFER, DAAF, SSR – Etats Généraux de la Canne
Des actions prioritaires
à mener
Bien que certains dispositifs existent déjà et sont mobilisés tels que la procédure terres incultes, les PAEN (Périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains), les moyens de lutte contre l’érosion du foncier agricole méritent d’être renforcés.
Il s’agit là d’un enjeu majeur pour l’avenir agricole de La Réunion.
Quelques actions prioritaires pour la préservation et la reconquête du foncier agricole ont ainsi été identifiées et partagées par l’ensemble des acteurs, dans le cadre des Etats Généraux de la Canne :
• Limiter l’urbanisation sur les terres agricoles, à travers le SAR, les SCoT et les PLU, y compris au titre de l’intérêt général pour réduire le niveau actuel de perte de surfaces agricoles et protéger les espaces autour des sites stratégiques canniers, avec un objectif clair de revenir à un niveau de 22 000 ha cultivés en canne d’ici 2030.
• Prioriser la remise en culture de 4 000 ha de friches, en mobilisant tous les leviers, y compris coercitifs, prévus par le Code Rural au titre de la procédure de terres incultes, et en optimisant les modalités de mise en œuvre au regard des spécificités du territoire et en faisant évoluer la réglementation, si nécessaire.
• Relancer les projets structurants d’aménagement foncier par zone, avec des incitations et un accompagnement à la transmission.
• Remettre en place des structures collectives d’aménagement foncier.
• Poursuivre le développement des périmètres irrigués, et des solutions permettant d’accroitre la disponibilité en eau au niveau des exploitations agricoles, sur l’ensemble de l’île pour s’adapter au changement climatique.
